Connaissez-vous Alexandre Vial ? Sans doute pas. Et Jean-Charles Vial ? Probablement pas davantage. Ces deux Vial ne se sont jamais rencontrés mais ils se ressemblent comme deux frères, comme deux compagnons de galère. Outre leur patronyme, ils ont en commun d’être des paumés, des solitaires, des types qui, un soir plus difficile qu’un autre, décident de partir. Un jour, bien des années plus tard, Alexandre finira par rentrer. Jean-Charles en terminera plus tôt, mort une nuit d’hiver sur le pavé lillois, simple « chien écrasé » expédié en cinq lignes dans le journal.
J’ai créé ces personnages il y a trente ou trente-cinq ans. Pour une raison que je m’explique encore mal, je suis poursuivi depuis longtemps par ces trajectoires d’hommes brisés, perdus, et dont parfois nous croisons la route.
L’histoire de Jean-Charles Vial a pris la forme d’une nouvelle dans les années 80, Mort d’un chien écrasé, qui m’a valu de recevoir un prix de la Ville de Lille, remis par Pierre Mauroy. A la même époque, j’avais laborieusement accouché d’un roman, Le départ d’Alexandre Vial. J’ai gardé les lettres des maisons Grasset, Le Seuil, Gallimard qui m’avaient gentiment expliqué que mon manuscrit « malgré quelques qualités, etc. ».
Aujourd’hui encore, j’aime raconter les failles et la vie d’hommes et de femmes qui chutent, comme Vera, dans mon livre Nema problema, comme elles disent. Vera est une ancienne comédienne, rendue folle par la guerre à Sarajevo, qui délire dans les rues de Paris en imaginant devoir rentrer chez elle parce qu’on l’attend pour une répétition générale. Vera existe t-elle ? A t-elle existé ? La frontière entre fiction et réalité n’est pas toujours très nette et c’est précisément ce qui m’attire et me guide.